EXPOSITION

VILLE LISSE – VILLE RUGUEUSE // SMOOTH CITY – ROUGH CITY

Cara Michell

« Un ami new-yorkais est venu me rendre visite. – Je veux prendre un petit-déjeuner avec des œufs et du café. – À un prix abordable, on ne trouvera pas ça dans ce quartier. – Ok, je veux me promener, explorer. Nous marchions dans la rue quand soudain un homme est apparu, jouant La Vie en rose à l’accordéon : – C’est trop prévisible. J’ai l’impression d’être dans une version Disney de Paris. »

"A friend from New York came to visit me. He said, ‘I want to have breakfast with eggs and coffee.’ I replied, ‘You won't find that at an affordable price in this neighbourhood.’ He said, 'Okay, I want to just walk around and explore.' We were walking down the street when suddenly a man appeared, playing La vie en rose on his accordion. My friend said, ‘This is too obvious. I feel like I'm in a Disney version of Paris.’”

Cara Michell, artiste et urbaniste, vit à Boston. // artist and urban planner living in Boston.

Mega Mingiedi

« Le centre de Paris ressemble à une ville spectacle. On est comme dans la boîte noire d’un grand théâtre, dont le fonctionnement reste caché en coulisse. Paris se présente comme une fête, mais sans les bouquinistes, sans les personnes qui vivent dans la rue, les migrants, sans tout ce qui est rugueux, sale, qui parasite la fête du sport (Paris, juin 2024). La ville lisse vous évite de bondir comme un chamois entre les présences dérangeantes, elle doit être parfaite. “Aérer, unifier et embellir” disait Georges-Eugène Haussmann (1809-1891) quand il transformait le plan urbain de Paris. Elle fait constamment plaisir à ceux qui en ont les moyens. Achète, mange, bois, joue, “en toute sécurité”. Prière de marcher à un rythme “normal”, de ne pas errer, de ne pas stationner trop longtemps, de ne pas s’allonger sur un banc. Votre corps doit être parfait, la foule est priée d’être relativement riche et en bonne santé. Et lorsque vous quitterez la ville, prière de ne pas laisser trop de traces, ni de marquer votre présence. La ville machine vous remercie. La performance n’a pas sa place dans une ville lisse, elle est trop étrange, les caméras enregistrent, la police arrive, les pouvoirs sont vite inquiets. Pas dans la ville rugueuse où la performance est quotidienne et souvent accueillie avec intérêt, curiosité. »

"The centre of Paris resembles a city in a show. It is like being in the auditorium of a large theatre, whose workings are hidden backstage and in the wings. Paris likes to convey an image of celebration, but while ignoring the second-hand booksellers, the homeless people living on the streets, the migrants, in short everything that is rough and dirty and which detracts from the celebration of sport (Paris, June 2024).. A city in which nothing is out of place means you are not continually being startled by disturbing presences; it must be perfect. “Aerate, unify and embellish” said Georges-Eugène Haussmann (1809-1891) when he transformed the urban plan of Paris. The city is a constantly source of pleasure to those who can afford it. Buy, eat, drink, play, ‘in complete safety’. Please walk at a ‘normal’ pace, do not wander, do not stand around for too long, do not lie down on a bench. Your body must be perfect and crowds are asked to be relatively wealthy and in good health. And when you leave, please do not leave behind too many traces or marks of your presence. The machine city thanks you. Performances are not welcome in a refined city; they are too strange - cameras record what they see, the police arrive and it’s not long before the authorities are worried. This is not the case in a rugged city, where performances are a daily occurrence and often greeted with interest and curiosity.

Jean-Christophe Lanquetin, artiste, scénographe et cofondateur des Scénos Urbaines, vit à Paris. // Paris-based artist and co-founder of the Urban Scenos.


MARCHER // WALKING

Androa Mindre Kolo (look at me in the eyes) et Jesu (le fil)

 « En marchant dans Paris, je vis vraiment chaque expérience qui se présente à moi. Quelles sont les activités ? Quand ont-elles lieu ? Quelles sont les heures de pointe, les moments plus calmes ? Alors j’entrevois le mouvement des gens, leur personnalité, leurs vêtements, ce qu’ils font, les relations entre les personnes, avec les objets, avec l’espace et avec la ville. Pour qui vient de Johannesburg (ou de Beyrouth, de Port-au-Prince, de Boston…), ville où l’on ne peut pas marcher dans les rues, l’ordinaire de Paris est d’abord un réservoir infini de possibles, d’imaginaires, de récits. Pas tant la ville comme texte mais plutôt comme matière vivante, intensément relationnelle et sociale, énergique et rythmique. Une zone sensible. Marcher me donne accès à cela. Et puis, ici vous n’avez pas besoin de payer pour vous détendre et profiter du soleil, ni pour avoir de l’eau à l’extérieur. Il suffit de s’asseoir et de se détendre, personne ne vous dira : “Hé, bougez-vous, vous n’avez pas le droit de vous asseoir ici”. » 

 "When walking around Paris, I truly experience everything that comes my way: the activities and when they take place, when is it rush hour and when are the quieter moments… In that way, I catch glimpses of people's movements, their personalities, their clothes, what they do, the relationships between them and with objects, the public space and the city. For someone coming from Johannesburg, Beirut, Port-au-Prince or Boston etc, (cities where you can't walk in the streets), everyday life in Paris is first and foremost an infinite reservoir of possibilities, imagined situations and stories. It is not so much the city as a text, but rather as a living matter that is intensely relational, social, energetic and rhythmic. A place of feelings to which walking gives me access. And of course, you don't have to pay to relax and enjoy the sun here, or to have water outside. You just sit down and relax. No one will say to you, ‘Hey, move along, you're not allowed to sit here.’” 

Sello Pesa, chorégraphe et performeur, vit à Johannesburg. // Johannesburg-based choreographer and performer.


UN MONDE COMMUN // A SHARED WORLD

Barbara Manzetti

« Je ne supporte pas de vivre ce paradoxe, à Paris, qui est de constamment passer cette frontière entre un intérieur et un extérieur, où on laisse toujours quelqu’un dehors. J’ai pris la décision de rompre cette frontière, de cohabiter avec des personnes dont j’ai l’impression que la société tente de me séparer : cette oppression est devenue tellement insidieuse, il ne suffit plus d’ouvrir la porte et de donner une chambre, une chance à quelqu’un. L’oppression est difficile à lever. Elle persiste, elle s’insinue partout, elle est partout ; elle s’insinue insidieusement et elle cohabite dans les relations. Mes amis me disent que la ville est un peu comme ma maison : je cache mes affaires ici la journée, je peux prendre une douche là, une brosse à dents m’attend dans une salle de bain hospitalière ; je peux manger le mercredi, à telle heure et à tel endroit. Et je rêve de trouver ma place à Paris. »

"I can't stand living with this paradox that exists in Paris and the Île-de-France region, constantly crossing this border between inside and out (which implies that someone is always left outside). I have decided to break down this boundary and live alongside people from whom I feel society is trying to separate me. This oppression has become so insidious that it's no longer enough to open one’s door and offer someone a room or an opportunity. Oppression is difficult to do away with, it persists, creeping in everywhere; it is everywhere. It creeps in insidiously and it coexists in relationships. My friends tell me that the city is a bit like my home: I hide my belongings here during the day, I can take a shower there, a toothbrush awaits me in a hospitable bathroom, I can eat on Wednesdays, at such and such a time and place. And I dream of finding my place in Paris."

Barbara Manzetti, artiste et autrice, fondatrice de la Maison « Rester. Étranger », vit à Saint-Denis. // artist and author, founder of Maison Rester.Étranger currently living in Saint Denis.


« Comment continuer à concevoir la ville comme un “monde commun” ? Paris a toujours été constitué par la cohabitation et les trajectoires de gens venus de partout, traversés par des réalités de vie, des temporalités, des pratiques et des imaginaires. Vivre ensemble implique inventer les seuils qui donnent sens à l’acte de passer d’un espace à un autre. 

Les personnes migrantes, avec leurs récits entre ici et leur pays, leurs voyages singuliers, leurs longues errances dans les rues, dormant dans le village-campement devant la Cité qui est réinstallé chaque soir, ne pourraient-ils et elles pas participer à la création d’une ville commune ? »

"How can we continue to envisage the city as a 'shared world’? 
Paris has always been shaped by the coexistence and trajectories of people from all over the world, shaped by the realities of life, temporalities, practices and imaginary worlds. Living together means inventing thresholds that give meaning to the act of moving from one space to another.
Is it so impossible that migrants - with their stories bridging life here and in their countries, their unique journeys, their long wanderings through the streets, these migrants who camp out in a makeshift village in front of the Cité that they have to set up anew every evening – could contribute to creating a shared city?"

Jean-Christophe Lanquetin, artiste, scénographe et cofondateur des Scénos Urbaines, vit à Paris. // Paris-based artist and co-founder of the Urban Scenos.


UNE INFRASTRUCTURE DE PERSONNES // AN INFRASTRUCTURE OF PEOPLE

Ika Ryu, Bruno, François Duconseille

« Qu’est-ce que l’infrastructure d’une ville ? Les tuyaux, les fils électriques, les câbles, le bitume des rues, les avenues fonctionnelles, le périphérique, les parcs, les institutions, les réseaux ? 

Et si Paris était d’abord une infrastructure de personnes (AbdouMaliq Simone), soit ce que font les gens ensemble, les manières dont les individus s’organisent, se côtoient, se frottent ? Un environnement créateur de compositions sociales, d’imaginaires individuels et collaboratifs ? 

Les villes gigantesques des mondes Sud (Sony Labou Tansi, 1947-1995) sont souvent des “ villes infrastructures de personnes ”. Leurs habitants partagent un monde commun qui les concerne, généré par des événements, des échanges, par un quotidien constamment performé. Longtemps, Paris, le Marais, les bords de la Seine ont été ainsi. 

Quelles pourraient être les architectures d’une infrastructure de personnes contemporaine ? Cette question engage des manières de vivre, de pratiquer, de ressentir Paris – ainsi le quartier du Marais, autour du lieu d’hospitalité qu’est la Cité internationale des arts, qui, plus encore, engage l’avenir possible de cette ville. »

"What is a city's infrastructure? It is its pipes, electrical wires, cables, asphalt roads, functional avenues, ring roads, parks, institutions and networks? 
What if Paris were first and foremost an “infrastructure of people” (AbdouMaliq Simone), in other words what people do together, the ways in which individuals organise themselves, interact and rub shoulders? An environment that creates social compositions and individual and collaborative imaginary worlds.
The gigantic cities of the ‘southern worlds’ - as Congolese poet Sony Labou Tansi (1947-1995) once put it - are often cities that are ‘infrastructures of people’. Their inhabitants share a common world that concerns them, one that is generated by events, exchanges and constantly performed daily rituals. For a long time, Paris, the Marais and the banks of the Seine were like this.
What could be the architecture of a contemporary infrastructure of people? This question involves ways of living, practising and experiencing Paris and the Marais district around the hospitable venue that is the Cité internationale des arts. But even more so, it involves the possible future of this city.”

François Duconseille, artiste, scénographe et cofondateur des Scénos Urbaines, vit à Strasbourg // Strasbourg-based artist and co-founder of Urban Scenos.


DES MÉMOIRES ENFOUIES // BURIED MEMORIES

Efrîn Özyetiş

« Je viens d’un lieu où j’essaye de trouver une manière d’exister dans un contexte qui ne serait pas hostile et qui ne me menacerait pas. »

"I come from a place where I try to find a way to exist in a context that is not hostile and does not threaten me."

Efrin Özyetiş, architecte et chercheuse, vit actuellement à Paris. // architect and researcher, currently living in Paris.

Jeanne Tara, Léopold Lambert

« En résidence à la Cité, nombreux sont les artistes qui s’interrogent et créent à partir de leur passé. Les disparus reprennent vie, l’archive et la mémoire sont vivantes, leur présence se réinscrit sur les murs des espaces de la Cité mais aussi de la ville. Leurs histoires de vies façonnent la mémoire urbaine des gens venus de partout. 

Ainsi, Paris serait-elle un “palais de la mémoire” des luttes sociales et politiques qui s’y imprègnent depuis des siècles ? Cette ville agirait-elle comme un révélateur, un modèle ? Serait-elle propice aux recherches sur les histoires collectives, familiales, intimes ? 

Des milliers de personnes ont trouvé et trouvent encore à Paris un asile. Vincente Lesser suit les traces d’un activiste chilien exilé après le coup d’État de 1973 dont les récits enregistrés sont conservés dans une bibliothèque à Paris ; Jeanne Tara retrouve des indices d’une présence de sa communauté d’origine, tamoule, au parc de Vincennes, durant les expositions coloniales ; Saad Eltinay filme la vie urbaine à Paris, son énergie, et la met en dialogue avec la révolution à Khartoum (qui a commencé par une série de manifestations dès 2018) ; Catherine Facerias se remémore les luttes LGBTQI+ dans le Marais au tournant des années 2000 ; Léopold Lambert conçoit une chrono-cartographie de la disparition violente d’Algériens en 1961, jetés dans la Seine par la police. »

Léopold Lambert – Paris, capitale de la septième wilaya

"While in residency at the Cité, many artists reflect on and create works inspired by their past. Those who have passed away are brought back to life, archives and memories are kept alive and their presence is re-inscribed on the walls of the Cité and throughout the city. Their life stories shape the urban memory of people from all over the world. 

So, is Paris a “mind palace” for the social and political struggles that have permeated it for centuries? Does this city act as a revelation, a model? Is it an ideal place to research into collective, family and personal histories?
Thousands of people have found and continue to find refuge in Paris. Vincente Lesser follows in the footsteps of a Chilean activist exiled after the 1973 coup d'état, whose recorded stories are preserved in a Parisian library. Jeanne Tara finds clues to the presence of her native Tamil community in Vincennes Park during the colonial exhibitions. Saad Eltinay films the energy of urban life in Paris and juxtaposes it with the revolution in Khartoum (which began with a series of demonstrations in 2018). Catherine Facerias recalls the LGBTQI+ struggles in the Marais district at the turn of the 2000s. Léopold Lambert creates a chrono-cartography of the violent disappearance of the Algerians who were thrown into the Seine by the police in 1961.”

Nataša Petrešin-Bachelez, co-commissaire et responsable de la programmation artistique et culturelle à la Cité internationale des arts qui vit à Paris. // Paris-based co-curator and head of the artistic and cultural programme at the Cité internationale des arts.



Lotte Arndt, chercheuse et professeur en histoire des mondes modernes à la Sorbonne, a proposé à une centaine d’étudiant.es de réaliser une recherche sur les traces coloniales encore présentes à Paris. Chaque étudiant.e a produit une planche A3, l’ensemble est collecté dans un classeur au titre de « Fissures urbaines » présenté en salle 4 sous le texte de salle « Mémoires enfouies »


DU VIVANT // LIFE ITSELF

Jean-Christophe Lanquetin

« Les villes font partie de ce que les scientifiques appellent aujourd’hui la zone critique, pour façonner une autre image de la croûte terrestre. Paris, cette ville minérale, est faite des interactions entre tous les êtres vivants. Lorsque l’on marche sur du bitume, il s’agit d’un sol de sédiments. En bord de Seine, sur les pierres du parapet, une multitude de coquillages fossiles est là, comme une mémoire géologique de l’époque où le bassin parisien était une mer. Les plantes poussent dans les interstices, les oiseaux cherchent à s’adapter pour vivre en ville. La Seine, contenue par des quais, coule au pied de la Cité. Son eau est maintenant déclarée propre, on peut à nouveau s’y baigner. La rivière, peu visible, est pourtant omniprésente ; les bateaux la sillonnent, elle menace de déborder chaque hiver. 

Ces interactions sont des histoires de collaborations, de relations. Saad Eltinay vit avec Ocean, sa chienne, qu’il a fait venir de Khartoum. Dans sa vidéo, le regard du chien imprègne le regard de l’artiste. Sello Pesa tente de se connecter avec l’eau du fleuve pour faire émerger le sens de sa présence à Paris. Le Bureau of Botanical Compliance (BoBC) d’Oliver Musovik est une autorité fictive chargée d’identifier des espaces de liberté dans l’environnement urbain, via la vie végétale. »

"Cities are what scientists call “critical zones” that give form to another image of the Earth's crust and its diverse inhabitants. Paris, this mineral city, is made up of interactions between all living beings. For example, when we are walking on the asphalt roads, we are walking on sedimentary soil. In the stones of the parapets along the banks of the Seine, a multitude of fossilised shells can be seen, like a geological memory of the time when the Paris basin was a sea. Plants grow in the gaps between the stones; birds seek to adapt to life in the city. The Seine (contained by the quays) flows past the foot of the Cité. Its water has now been declared clean and it is once again possible to swim in the river near the Cité. Although the Seine is not very visible, it is nevertheless omnipresent; boats ply its waters and every winter brings the threat of flooding 

Among these interactions are stories of collaboration and relationships. Saad Eltinay lives with his dog Ocean, which he brought with him from Khartoum. In his video, the dog's gaze informs the artist's gaze. Sello Pesa attempts to connect with the river water to bring out the meaning of his presence in Paris. Oliver Musovik's Bureau of Botanical Compliance (BoBC) is a fictional authority responsible for using plant life to identify spaces of freedom in the urban environment.”

Nataša Petrešin-Bachelez, co-commissaire et responsable de la programmation artistique et culturelle, vit à Paris. // Paris-based co-curator and head of the artistic and cultural programme at the Cité internationale des arts.


DES SPATIALITÉS INTIMES // INTIMATE SPACES

Ika Ryu

 « J’ai habité le Marais et la Cité en tant que femme venant du Sud global, chaque jour je créais des spatialités nouvelles à partir d’éléments, d’objets dans la ville, des présences, du fleuve aussi… C’était à la fois conscient et inconscient, dans un lieu, dans un autre, au gré des déplacements et des humeurs. Ma ville, São Paulo, flotte dans Paris, elle est là, c’est ma spatialité dans le Marais. » 

"I lived in the Marais and the Cité as a woman from the global south. Every day, I created new spaces from elements and objects in the city, from presences, from the river too... It was both conscious and unconscious, in one place, then another, depending on my movements and moods. My city, Sao Paulo, floats in Paris, it is there, it is my spatiality in the Marais." 

Gabriela de Matos, architecte, commissaire d’exposition, professeure et chercheuse, vit à São Paulo. // architect, exhibition curator, professor and researcher living in Sao Paulo.


 « Je me promène dans un parc devant l’Hôtel de Sens, avec mon fils, il a six ans. Il court dans les allées, il reconnaît des plantes : verveine, menthe sauvage, géranium, il en cueille quelques feuilles : “maman, maman, ça sent comme dans le jardin de grand-père”. En Palestine ». 

"I walk in a park in front of the Hôtel de Sens with my six-year-old son. He runs along the paths, recognising plants: verbena, wild mint, geranium. He picks a few leaves:  ‘Mummy, mummy, it smells like Grandad's garden’ - in Palestine." 

Sandra Madi, réalisatrice, actrice, productrice et scénariste, vit actuellement à Paris. // film director, actress, producer and screenwriter, currently living in Paris.


 « Passant le matin à vélo, je me souviens que plus jeune, j’allais souvent dans un bar à l’angle de la rue des Rosiers et de la rue Vieille-du-Temple. C’était mon havre, j’y restais le plus longtemps possible, assis au fond d’une banquette, et j’écoutais les conversations. Parfois je sortais en boîte, je traînais. Aujourd’hui c’est un magasin de lingerie féminine. La librairie Les mots à la bouche a disparu, ainsi que la plupart des bars, des endroits où l’on sortait la nuit. Le Marais était un havre de liberté intime. Pendant un temps, ces quelques rues ont été pour moi relativement hospitalières. Aujourd’hui le magasin qui a remplacé ce café s’appelle Intimissimi. » 

"Riding by here on my bike in the morning, I remember that when I was younger, I often went to a bar on the corner of Rue des Rosiers and Rue Vieille du Temple. It was my haven. I would stay there as long as possible, lounging on a bench seat and listening to the conversations. Sometimes I would go out to clubs and hang out. Today it's a lingerie store. The “Les mots à la bouche” bookstore has disappeared too, as have most of the bars and places where we used to go out at night. The Marais was a haven of intimate freedom. For a while, these few streets were relatively hospitable to me. Today, the store that replaced that café is called Intimissimi." 

Jean-Christophe Lanquetin, artiste, scénographe et cofondateur des Scénos Urbaines, vit à Paris. // Paris -based artist and co-founder of Scénos Urbaines.


 « On se rassemblait tous et toutes devant le Quick en face de l’Hôtel de ville. On traînait en attendant de partir faire la fête. Les jeunes descendus des banlieues via les Halles changeaient leur manière de marcher en traversant la rue du Renard. » 

“We would all gather opposite the Hôtel de Ville in front of Quick. We would hang out there, waiting to go out and party. When crossing Rue du Renard, the young people who had come in from the suburbs via Les Halles would change the way they walked.”

Lasseindra Lanvin, danseuse et chorégraphe, vit à Paris. // Paris -based dancer and choreographer.


UN ESPACE DE RENCONTRE // A MEETING PLACE


« Le début de la résidence s’est construit autour d’une grande table, d’un mur vide et d’une baie vitrée qui donne sur la ville. Dès la mi-août, la question principale de l’exposition est posée sur le mur : “Paris est-elle une ville hospitalière ? ”

Artistes, penseurs, penseuses, acteurs et actrices du projet participent à la réflexion autour de cette problématique. 

La table n’est jamais vide, elle existe et se nourrit au rythme de la résidence, elle devient notre espace de vie, de plus en plus occupée, animée par nos souhaits et nos rencontres, par les récits et la ville qui bout dehors.


En face, le mur collectif se couvre de documents qui témoignent des recherches et des questionnements de chacun.

Au milieu de la salle, il est proposé aux artistes en résidence à la Cité et aux visiteurs d’écrire leur

« j’aimerais” : chacune et chacun se projette dans un rêve, dans un souhait, un vœu, un changement, une réalité de l’accueil à Paris. Les réponses sont suspendues comme un nuage au centre de l’espace de rencontre. » 

“The beginning of the residency was built around a large table, a blank wall and a bay window overlooking the city. In mid-August, the central question of the exhibition appeared on the wall: ‘Is Paris a welcoming city?’
The artists, thinkers and various people involved in the project are reflecting upon this issue.
The table is never empty; it exists and is nourished by the rhythm of the residency, becoming our increasingly busy living space, brought to life by our desires and people we meet, by the stories we hear and the bustling city outside.

Opposite, the collective wall fills with documents that bear witness to each person's research and questions.

In the middle of the room, artists in residence at the Cité and visitors are invited to write down their “I would like”: each person projects themselves onto a dream, a wish, a desire, a change, a reality of hospitality in Paris. The responses are suspended like a cloud in the centre of the meeting space.

Martial Azzi, Agnès Krier, Emma Thierry, étudiant et étudiantes en art et théorie, vivent à Paris et Strasbourg. // art and theory students living in Paris and Strasbourg.


PERFORMANCES DANS LA VILLE // PERFORMANCES IN THE CITY

Sello Pesa (C’est dur ici), vidéo de performance et installation d’objets traces

« Ici, la rumeur d’une foule nous parvient. Celle d’une foule en marche, tout autour de nous. Des corps qui protestent, qui résistent, qui traversent la ville. À Paris, rue de Rivoli, à la Bastille. À l’inverse, le quotidien du quartier Saint-Paul s’incarne dans des gestes quotidiens : boire un café, croiser un passant, transporter des objets, livrer une marchandise… Cette énergie multiple, ordinaire ou révoltée, façonne l’espace urbain.

Les artistes ici réunis explorent ces gestes, ces présences qui échappent aux regards : fluides, intuitifs, agissants. Le corps se transforme, se camoufle, se fond dans la ville. Il devient eau, fleur, insecte, matière mouvante. Il réagit, s’adapte, s’infiltre. Une multitude d’espèces et de présences qui bousculent l’urbanisme lisse. Ces micro-actions, souvent invisibles, parfois inaudibles, constituent la “matière noire” de la performance urbaine : ce qui ne se quantifie pas, mais qui marque les lieux, et dit quelque chose de notre présence.


Cette salle présente une archive vivante de performances où les artistes engagent leur corps comme mémoire sensible, les sous-communs (Stefano Harney et Fred Moten) de la ville et de leur passage. Ils et elles regardent la ville de Paris, en y marchant, en y dansant, en y laissant leurs traces. Ils et elles réinventent l’espace, imaginent ses potentialités. »

"Here, the murmur of a crowd reaches us. A crowd on the move, all around us. Bodies protesting, resisting, moving through the city, in Paris, on Rue de Rivoli and at the Bastille.
In contrast, the daily life of the Saint-Paul neighbourhood is embodied in everyday gestures: drinking a coffee, watching a stranger passing by, carrying objects, delivering goods... The urban space is shaped by this diverse, sometimes rebellious, sometimes ordinary energy.
The artists gathered here explore these gestures, these fluid, intuitive and active presences that often escape notice. The body transforms, camouflaging itself and blending into the city. It becomes water, a flower, an insect, shifting matter. It reacts, adapts and infiltrates. A multitude of species and presences that disrupt the polished urban landscape. These often invisible and sometimes inaudible micro actions form the 'dark matter' of urban performance: something that cannot be measured, but which leaves its mark on places and speaks to our presence.

This room presents a living archive of performances in which artists have engaged their bodies as a form of emotional memory, the undercommons (Stefano Harney and Fred Moten) of the city and of their passage through it. They look at Paris by walking through it, dancing in it and leaving a trace. They reinvent the space and imagine its potential."

Simona Dvorák, co-commissaire, vit à Bagnolet. // co-curator, currently living in Bagnolet.



SALLE 1


SALLE 2




mur Scénos Urbaines

SALLE 3



SALLE 4



SALLE 5



SALLE 6