Samuel Suffren

Samuel Suffren est un artiste visuel, réalisateur et producteur Haitien.  Ses objets filmiques s’inscrivent dans une démarche de cinéma poème où récit et photographie se rencontrent librement créant des formes narratives ouvertes, sensibles. Sa trilogie de courts-métrages, inspirée de l’histoire de son père et de son rêve d’émigrer aux États-Unis, a été saluée à l’international. Le premier volet, Agwe, est sélectionné au Festival de Locarno en 2022 et remporte le prix Paul Robson au FESPACO 2023. Le deuxième, Des rêves en bateaux papiers, sélectionné au Festival de Sundance en 2024, remporte plusieurs distinctions dont le prix du meilleur court métrage à Nashville et Tirana, le qualifiant pour les Oscars. En 2025, Cœur Bleu, le dernier film de la trilogie, est sélectionné à la Quinzaine des cinéastes du Festival de Cannes.

 En parallèle, Samuel Suffren fonde en 2019 l’association KIT à Port-au-Prince, un collectif de photographes et cinéastes haïtiens à l’origine des Rencontres du Documentaire en Haïti. Il dirige également la société de production KIT Films, qui soutient les voix émergentes du cinéma haïtien.

Samuel Suffren, born in Port-au-Prince (Haiti) where he lives and works, is a director and producer whose work is rooted in an intimate exploration of exile and memory. His trilogy of short films, inspired by his father's story and his dream of emigrating to the United States, has been internationally acclaimed. The first instalment, Agwe, was selected for the Locarno Film Festival in 2022 and won the Paul Robeson Prize at FESPACO 2023. The second, Des rêves en bateaux papiers, selected for the Sundance Film Festival in 2024, won several awards, including Best Short Film in Nashville and Tirana, qualifying it for the Oscars. In 2025, Cœur Bleu, the last film in the trilogy, was selected for the Directors' Fortnight at the Cannes Film Festival. 

At the same time, Samuel Suffren founded the KIT association in Port-au-Prince in 2019, a collective of Haitian photographers and filmmakers behind the Rencontres du Documentaire en Haïti. He also runs the production company KIT Films, which supports emerging voices in Haitian cinema.

PARIS DES VI(LL)ES 2025

Le bon dieu n’a pas de couleur

Samuel Suffren explore ici la notion de voisinage.
 À son arrivée en France, il observe les multiples perceptions de celles et ceux qui vivent autour de nous, et la manière dont nous accueillons ou non l’autre. Pour l’artiste, il manque à Paris des communautés où l’on se sent véritablement accueilli et en sécurité. En Haïti, un drap blanc joue un rôle essentiel : on le tire sur le lit pour honorer un invité, mais aussi pour couvrir le corps de quelqu’un qui nous quitte. Le blanc, symbole de dignité, est paradoxalement à la fois couleur et absence de couleur. L’artiste y inscrit  « Je ne suis pas noir »  une phrase qui rejette la construction sociale et politique de la race. Il dénonce ainsi le racisme systémique et les classifications imposées, qui politisent et contrôlent les corps.

Au milieu de l’installation, un écran montre deux séquences tournées en super 8 à la Cité internationale des arts. La première, filmée au petit matin lors du nettoyage de la galerie extérieure, lieu-refuge nocturne pour une centaine de personnes sans abri. Les jets d’eau nettoient le sol, mais pas la mémoire, celle des souffles, des sueurs, des présences. Entre effacement et persistance, la ville devient un théâtre de cohabitation forcée. 

tournage du film devant la Cité internationale des arts

La deuxième séquence présente un batteur, seul, installé sur des draps blancs. Ses frappes, dissonantes et insistantes, rompent le calme apparent. Derrière lui, des tentes comme un lieu de passage où l’on pourrait s’arrêter, regarder, écouter La caméra se concentre sur cet homme isolé dans sa transe. Son rythme brut cherche à réveiller les consciences, à habiter la ville autrement.

Samuel Suffren explores the notion of neighborhood here. Upon his arrival in France, he observes the many ways people perceive those who live around them, and how we do—or do not—welcome others. For the artist, Paris lacks communities where one can truly feel welcomed and safe.In Haiti, a white sheet plays an essential role: it is pulled over the bed to honor a guest, but also to cover the body of someone who has passed away. White, a symbol of dignity, is paradoxically both a color and the absence of color. On this white fabric, the artist inscribes the phrase “I am not Black,” rejecting the social and political construction of race. In doing so, he denounces systemic racism and the imposed classifications that politicize and control bodies.

At the center of the installation, an old television shows two Super 8 film sequences shot at the Cité internationale des arts:

The first, filmed early in the morning during the cleaning of the median strip, situates us in a nighttime refuge used by around a hundred unhoused people. Water jets wash the ground, but not the memory—the memory of breath, sweat, and presence. Between erasure and persistence, the city becomes a stage of forced coexistence.

The second sequence features a drummer, alone, seated on white sheets. His dissonant and insistent strikes break the apparent calm. Behind him, tents appear like a place of passage, where one might stop, look, and listen. The camera focuses on this man, isolated in his trance. His raw rhythm seeks to awaken consciousness and inhabit the city differently.


Le bon dieu n’a pas de couleur, 2025
Installation vidéo.